Né de l’imagination du romancier Jean Bruce, l’agent très spécial Hubert Bonisseur de La Bath a investi les écrans dès les années 1950, sous divers noms et visages. Avant d’être transcendé par Jean Dujardin.
Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, n’a pas toujours été le parfait abruti génialement incarné par Jean Dujardin. Avant Le Caire, nid d’espions et Rio ne répond plus (1), l’agent secret imaginé par le romancier Jean Bruce a connu une bonne dizaine d’aventures, officielles et officieuses, à l’écran. Et sept visages, parfois aussi séduisants que Dujardin, mais jamais aussi drôles — même involontairement. Inventaire.
♟♚ Ivan Desny OSS 117 n’est pas mort (1956), de Jean Sacha
OSS 117 N’EST PAS MORT de Jean Sacha 1956 FRA. Avec Danik Patisson et Ivan Desny dans le placard. D’apres le roman de Jean Bruce
Globe-Films
Le premier OSS 117 de l’histoire est… suisse. Et, comment dire, on a déjà vu espions plus crédibles que le pauvre Ivan Desny, nettement plus à l’aise par la suite chez Fassbinder (Berlin Alexanderplatz), Téchiné (J’embrasse pas) ou Benoît Jacquot (La Désenchantée).
♟♚ Kerwin Mathews
OSS 117 SE DECHAINE de André Hunebelle en 1963. Avec Kerwin Mathews et Daniel Emilfork en lutte d’apres le roman de Jean Bruce.
Films Borderie
Jean Marais avait suggéré à André Hunebelle d’adapter les aventures d’OSS 117 au cinéma, espérant bien décrocher le rôle. Raté : le réalisateur-producteur lui préféra un second couteau du Wisconsin jusqu’ici connu comme faire-valoir pour les effets spéciaux de Ray Harryhausen (Le Septième Voyage de Sinbad, Jack le tueur de géants). Le choix d’un acteur américain est, après tout, logique : dans les romans de Jean Bruce, Hubert Bonisseur de La Bath a certes de lointains ancêtres français, mais est de nationalité étatsunienne et travaille pour la CIA.
Kerwin Mathews avait de nombreux points communs avec Rock Hudson : le même âge (à deux mois près), la taille (haute), la chevelure (brune), une incarnation idéale de la virilité yankee à l’écran, une homosexualité soigneusement cachée à la ville. Après deux OSS 117, Mathews se montra toutefois un peu trop gourmand — financièrement parlant. Et Hunebelle le remplaça par…
♟♚ Frederick Stafford Furia à Bahia pour OSS 117 (1965), d’André Hunebelle
et Atout cœur à Tokyo pour OSS 117 (1966), de Michel Boisrond
FURIA A BAHIA POUR OSS 117 de Andr éHunebelle en 1965 FRA. Avec Frederick Stafford et Mylne Demongeot.
P.A.C / P.C.M
A priori, rien ne destinait Friedrich Strobel von Stein au cinéma, hormis un physique avantageux. Sportif de haut niveau dans sa jeunesse, il représenta sa Tchécoslovaquie natale aux jeux Olympiques, en hockey sur glace et en natation, avant d’émigrer en Australie à la fin des années 40. Quand André Hunebelle le remarque, il est alors… représentant en pharmacie. Rebaptisé Frederick Stafford, il prendra goût au jeu d’acteur, au point de tenir le premier rôle dans un Hitchcock (L’Etau). Avant de trouver la mort dans un accident d’avion en 1979.
♟♚ John Gavin Pas de roses pour OSS 117 (1968), d’André Hunebelle et Jean-Pierre Desagnat
PAS DE ROSES POUR O.S.S. 177 de Andr Hunebelle en 1968. Avec John Gavin.
P.A.C. – DA.MA. Film
Aussi grand et brun que ses deux prédécesseurs, John Gavin reste le meilleur acteur — et de loin — ayant incarné Hubert Bonisseur de La Bath. Jusqu’à Jean Dujardin, bien sûr… Sur son CV, on trouve rien de moins que les deux plus beaux mélos de Douglas Sirk (Le Temps d’aimer et le temps de mourir, Mirage de la vie, dont il est la vedette masculine), Psychose, de Hitchcock, ou encore Spartacus, de Kubrick (où il est Jules César). Signe particulier : il fut le grand copain de Ronald Reagan, qui le nomma ambassadeur des Etats-Unis au Mexique pendant cinq ans.
♟♚ Luc Merenda OSS 117 prend des vacances (1970), de Pierre Kalfon
OSS 117 PREND DES VACANCES de Pierre Kalfon en 1970 .Avec Yann Arthus-Bertrand (à gauche) et Luc Merenda.
Companhia Cinematografica Vera Cruz – Inducine – Les Films Number One
Ce beau gosse natif de Nogent-le-Roi est surtout connu pour son étreinte torride avec Chantal Nobel dans Châteauvallon, le Dallas français que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. Avant d’endosser le smoking d’OSS 117, il n’avait tourné que dans un film érotique de quinzième zone. Après, il joua surtout les flics expéditifs dans les polars italiens ultra-violents des années 70. Depuis, il est devenu antiquaire et galeriste.
♟♚ Michel Piccoli Le Bal des espions (1960), de Michel Clément
Quand on tourne près de deux cents films dans sa carrière, on ne peut pas faire que des chefs-d’œuvre… Dans Le Bal des espions, le héros s’appelle Brian Cannon, mais il s’agit en fait d’OSS 117 : l’intrigue est tirée d’un roman de Jean Bruce dont la production n’avait pas réussi à obtenir les droits. Le film est une bouse, mais l’anglais de Michel Piccoli est impeccable.
♟♚ Kerwin Mathews Le Vicomte règle ses comptes (1967), de Maurice Cloche
LE VICOMTE REGLE SES COMPTES de Maurice Cloche en 1967. Avec Kerwin Matthews (à gauche).
MC
Coucou, le revoilà ! Les producteurs de ce nanar ont misé sur l’ancienne popularité de Kerwin Mathews pour lui confier à nouveau le rôle d’Hubert Bonisseur de La Bath… sans avoir le droit d’utiliser son nom ! D’où le pseudonyme pour le moins baroque de Clint de La Roche, alias le Vicomte…
♟♚ Sean Flynn Cinq Gars pour Singapour (1967), de Bernard Toublanc-Michel
Encore une adaptation déguisée de Jean Bruce. Dans ce très curieux film d’aventures tourné dans le style de la Nouvelle Vague, OSS 117 se nomme Art Smith et est capitaine dans les US Marines. Sean Flynn était le fils d’Errol, acteur dilettante et photojournaliste passionné. Il couvrit la guerre des Six-Jours pour Paris Match, fut blessé au genou au Vietnam avant de disparaître à la frontière du Cambodge en 1971. Probablement fait prisonnier par le Viêt-cong ou les Khmers rouges, avant d’être exécuté.